Présidentielle 2022 : au second tour
Macron-Le Pen…le pire est à craindre

René Fredon, ancien journaliste à La Marseillaise, nous propose un débat sur les présidentielles. Nous l’en remercions très chaleureusement. N’hésitez pas à vous exprimer à la suite dans les commentaires.

“J’exprime mes idées en toute indépendance et si elles peuvent susciter des critiques, un débat, un partage même conflictuel…tant mieux. Evitons les monologues, construisons des passerelles, pas des murs. Avoir des convictions c’est une chose, détenir la vérité en toute chose, ça n’existe pas ! Assumons nos différences et agissons ensemble sur tout ce qui nous rassemble ! Je crois aux partis, pas aux sectes…“

René Fredon

Le scénario préféré de Macron s’est donc reproduit, sur fond d’abstentions en progression
de près de 4% (26% au lieu de 22,3 en 2017), un peu moins qu’annoncé par les sondages.
Mais cette fois il est devancé par l’extrême-droite.
Certes il fait un mieux qu’au 1er tour de 2017 : 27,8% au lieu de 24,01 ainsi que M. Le Pen
: 23,1 contre 21,30. Mais les réserves de voix de cette dernière (Zemmour et Dupont-
Aignan) la mettent largement devant Macron, de plus de +1,5 millions de voix !
Jean-Luc Mélenchon talonne MLP avec un score inattendu de 22%, en progression de 2,5%
sur 2017, 7 points de plus que les derniers sondages à la veille du 1er tour qui le donnait à
15% ! Comme en 2017 il échoue de peu mais il échoue malgré le sursaut des électeurs de
gauche délaissant dans les derniers jours, les candidats socialiste, vert, communiste et
trotskistes…qui totalisent seulement 10,1% ! Le vote “utile” au profit du candidat de gauche
le mieux placé, perçu comme le seul pouvant se qualifier, a incontestablement fonctionné à
l’approche du vote.
Il reste que, même regroupée derrière LFI, la gauche très divisée sur nombre de questions de
fond, accuse un net recul avec 32% des suffrages exprimés, un recul historique !
Il est quelque peu mal venu d’entendre les principaux lieutenants de Mélenchon répéter qu’il
lui a manqué les voix du candidat communiste pour être au 2è tour ? Lui-même n’a demandé
l’avis de personne pour décider de se présenter avec son programme et de n’accepter que des
soutiens ralliés à ce programme. Drôle de conception de l’unité que d’accuser les autres de
l’avoir fait échouer !
Ils devraient baisser le ton et corriger le tir en vue des législatives. N’y a-t-il pas mieux à
faire ? Il aurait tort de s’approprier les voix de gauche qui ont choisi son bulletin de vote en
fin de campagne, sensibles à l’appel au vote “efficace” opposé au vote de conviction.
Selon un sondage “Elabe” (1) sur les reports de voix du 1er tour des cinq premiers, celles
portées sur Mélenchon se répartissent en trois parts égales ou presque : 35% pour Macron,
34% pour M.L.P et 31% s’abstiendraient !!!
On a du mal à y croire : 1/3 des électeurs de LFI voteraient pour MLP pour se débarrasser
de Macron ? Ils se prononceraient pour la préférence nationale, la chasse aux migrants et
aux musulmans suspectés de complaisance avec les islamistes, ils valideraient l’hystérie
identitaire et sécuritaire, le nationalisme le plus étroit, l’apologie du colonialisme…entre
autre ? L’homogénéité politique de “l’union populaire” en prendrait un sérieux coup !
A droite, le parti dominant de longue date, LR s’est effondré avec 4,79%. Dès 2017, Ses
cadres se sont retrouvés pour partie intégrés à Macron, (recruté par Hollande) et pour partie
attirés par l’extrême-droite qui, à elle seule (M. Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan),
totalise 32,54%, presque autant que toute la gauche ! 5% de plus qu’en 2017.
Si Valérie Pécresse s’est empressée de dire qu’elle allait voter pour Macron, sans donner de
consignes de vote, c’est qu’elle sait très bien que, depuis cinq ans, nombre d’électeurs LR,
après la “fuite” de cadres vers Macron et vers l’extrême-droite, en feront autant le 24 avril.
Même Sarkozy n’a pipé mot pour la soutenir, considérant que Macron est le seul à même de
battre le RN dont on connaît le discours attrape-tout et leurs fondements idéologiques. La
victoire est loin d’être acquise.
Les jeux ne sont pas faits
Comme en 2017 ce sera un duel entre un libéral très conservateur, Macron et une ultraconservatrice
aux idées et fréquentations assumées (Trump, Bolsonaro, Poutine, Orban…).
Deux tenants du capitalisme à la conquête du pouvoir pour museler le mouvement social et
écologiste en osant s’afficher comme défenseurs du pouvoir d’achat et du climat…tout en
répondant aux exigences du grand patronat et de la finance mondialisée confisquant les
intérêts et la souveraineté de la France et de l’Europe…sous la protection de l’OTAN. MLP
ne veut plus sortir de l’Europe mais se démarque sur l’OTAN pour brouiller les pistes !
Vu l’impopularité de Macron et la progression de M. Le Pen, le 2ème tour s’annonce à plus
hauts risques qu’en 2017. Il ne sera pas qu’une formalité. Evidemment les reports de gauche
ne comptent pas sur Macron pour changer de cap, mais l’arrivée de l’extrême-droite au
pouvoir n’est pas à exclure et ne saurait être sous-estimée.
Ce serait une catastrophe historique au pays des droits de l’homme, aux conséquences
internationales considérables. Elle sonnerait le glas de notre République laïque garante de
nos libertés bien assez confisquées…ou de ce qu’il en reste. Pas question de baisser la garde !
La responsabilité de Macron est entière d’avoir favorisé, banalisé, adopté à son tour, certains
actes et analyses évoluant eu fil du temps. Essaimant leur racisme, leur xénophobie, leurs
projets liberticides et discriminatoires, contraires à notre constitution, accentuant les
divisions profondes au sein de notre société sous le joug du libéralisme en crise qui efface
tous nos acquis sociaux !
Macron utilise le RN comme un épouvantail utile qui lui facilitera le rassemblement
“républicain” au second tour. Un peu comme Zemmour fait passer Mme Le Pen pour “pas
assez dure et radicale” avant d’inviter ses électeurs à voter pour elle, preuve qu’elle est bien
de la “famille”.
Pour Macron la montée du péril s’expliquerait par “les dérèglements de nos sociétés…Tout
cela crée des peurs. Et ceux qui jouent avec les peurs montent”. Bref, il n’y est pour rien,
d’ailleurs il n’a rien à se reprocher, c’est sa marque de fabrique. Mieux : il nous protège ??
Qui en douterait ? L’appel de trois candidats de gauche (Hidalgo, Jadot, Roussel) à voter
pour Macron au second tour, n’a rien d’un soutien à son programme. Il ne signifie que la
détermination à faire barrage à la candidate du RN qui bénéficiera du report des deux autres
candidats d’extrême-droite, d’une partie de l’électorat LR et même d’ailleurs…malgré l’appel
à ne pas donner une seule voix au RN.
Mélenchon a dit consulter ses partisans après avoir explicité son positionnement de
dimanche de “n’apporter aucune voix à M. Le Pen”, sans donner de consigne en faveur de
Macron. Un vote blanc ou nul, une abstention privent à égalité les deux candidats,
n’apportant de voix à aucun. Poutou fera de même pour ne pas avoir à établir une différence
entre deux fossoyeurs de la démocratie et de la République sociale. Lassale s’abstiendra.
Fabien Roussel a appelé à prendre la mesure de la menace que fait peser le niveau atteint par
l’extrême-droite ….”Fidèle à toute l’histoire de ma famille politique…Jamais nous ne
banaliserons l’extrême droite et ses idées…C’est pourquoi, j’appelle à battre l’extrême
droite, à la mettre en échec en se servant du seul bulletin qui sera à disposition…nous avons
combattu la politique de ce gouvernement et de son candidat. Nous serons toujours ses
adversaires résolus…” (2 la déclaration)
Dans la foulée, il a invité tous les candidats et toutes les composantes de la gauche, Jean-
Luc Mélenchon et les Insoumis, Anne Hidalgo et les socialistes, Yannick Jadot et les
écologistes.. à préparer ensemble les initiatives qui permettront de battre l’extrême droite.
Et, dans les jours à venir, faire en sorte que les législatives permettent à la gauche d’envoyer
un maximum de députés à l’Assemblé nationale.
Il est temps de se poser les bonnes questions sur l’état des lieux et sur la volonté de recréer
une gauche sur ses valeurs originelles de solidarité du monde du travail, de lutte de classes,
d’égalité des sexes, de partage des pouvoirs et des savoirs, de respect de notre terre
commune, ce qui appelle plus que jamais un changement profond de nos manières de
produire, de consommer et de vivre, de les rendre compatibles avec notre environnement.
Vaste programme qui fasse du peuple le véritable souverain de ses propres choix et de leur
mise en oeuvre collective. Non plus au service des intérêts de quelques-uns qui
s’enrichissent par tous les temps mais au service de ceux qui créent les richesses par leur
travail et qui ont besoin de coopérations volontaires, de fraternité et de paix.
René Fredon
(1)https://www.lexpress.fr/actualite/politique/reports-de-voix-au-second-tour-de-lapresidentielle-
ce-que-disent-les-sondages_2171555.html
(2) https://www.fabienroussel2022.fr/d_claration_1er_tour