Barrer la route à l’extrême-droite !
René Fredon, ancien journaliste à La marseillaise nous propose un nouvel article et sa vision pour le deuxième tour des présidentielles. N’hésitez pas à faire vivre le débat, à l’alimenter et l’enrichir de vos commentaires.
L’enjeu du second tour a pris une autre dimension. Il n’est plus de se prononcer sur les programmes politiques des deux finalistes à rejeter pour toutes celles et ceux qui, s’abstenant ou votant à gauche n’ont plus que le choix entre deux candidats ultra-libéraux qui se disputent le pouvoir, pour servir les mêmes intérêts privés. Ils divergent sur la manière “la plus efficace” de gouverner la France en leur faveur, le RN se situant dans la lignée de Pétain, de la collaboration et de l’OAS.
Comme en 2017, certes. Mais à cette différence que, à l’issue du 1er tour, si le sortant est arrivé en tête en améliorant sensiblement son pourcentage, la candidate du RN aussi a progressé en voix et en pourcentage. Et, surtout, elle dispose d’une réserve de voix très supérieure à celle de Macron !
Vu le score de la candidate LR à 4,78% dont l’électorat s’est déjà partagé entre Macron et l’extrême-droite, les reports limités venant de leurs camps, iront vers les deux finalistes, sans forcément réduire l’écart favorable à l’extrême-droite.
Pour la première fois depuis la Libération, une victoire des néo-fascistes est à prendre au sérieux, s’il n’y a pas de sursaut des abstentionnnistes et des reports venant de la gauche pour lui barrer la route ? Ce qu’a fait Fabien Roussel dès le 10 au soir, invitant Macron à renoncer à ses réformes insensées, ainsi que Yannick Jadot et Anne Hidalgo.
Ce qui ne va pas de soi tant Macron suscite un rejet populaire qui n’a cessé de se développer, pour avoir méprisé les catégories populaires et moyennes. Elles ont vu baisser leur pouvoir d’achat, leurs conditions et leur accès au travail, leur sécurité alimentaire et énergétique, leurs protections sociales en même temps que les très riches actionnaires agitaient sous nos yeux des profits gigantesques, s’ajoutant à leurs privilèges, les “niches et paradis” fiscaux privant l’Etat de sommes considérables !
La réalité c’est qu’aujourd’hui, dans de nombreux quartiers des villes, dans des villages 20 à 30% de familles vivent avec des revenus en dessous du seuil de pauvreté ! Et le pouvoir les culpabilise : il a baissé de 5 euros les APL en même temps qu’il supprimait l’impôt sur la fortune !! Plus qu’un symbole, un choix indélébile.
Ainsi, comble de “réussite”, Macron a fait le jeu d’une extrême-droite qui s’est insérée dans les colères permanentes d’un peuple dont la confiance a été perdue dès les premiers mois de Macron à l’Elysée. Le RN a adapté son discours au gré des circonstances et des luttes sociales, modifiant, en apparence, nombre de ses positionnements pour donner le change et se faire passer pour une force politique “démocratique” ordinaire.
Zemmour se chargeant de tenir le discours très radical de Le Pen (père), sa petite-fille Marion, rejoignant le fondamentaliste fidèle aux racines nationalistes pures et dures du “Front national” fondé par son grand-père qui n’avait pas apprécié la “dédiabolisation” entreprise par sa fille…aux portes du pouvoir, après 20 ans de querelles de famille qui viennent de cesser au soir du 1er tour.
Sans rien renier de ses convictions profondes et de ses fréquentations très ciblées à l’extrême-droite, elle a changé les meubles, le discours est plus sobre, moins clivant qui séduit indéniablement une partie des couches populaires. Elle se veut l’opposition qu’on n’a jamais essayé, avec l’objectif de recomposer la droite siphonnée par Macron et l’extrême-droite, autour de son programme tout autant destructeur de notre pouvoir d’achat, de nos services publics, de nos libertés…de notre République sociale et laïque…en décomposition.
On la doit aux pouvoirs successifs et à Macron qui a laissé croire qu’il avait réconcilié la droite et la gauche en marginalisant les extrêmes ! C’est-à-dire mettant les néo-fascistes et la gauche anti-capitaliste dans le même sac.
Faudrait-il faire confiance aux néo-fascistes pour restaurer en profondeur la démocratie et la République ? Avec Marine Le Pen, l’urgence n’est ni sociale, ni climatique : c’est de modifier la constitution pour y faire mention de sa “préférence nationale” ce qui ferait du pays des droits de l’homme, de la Commune et de la Révolution de 1789 un pays d’apartheid !
Rien que ça en dit long sur ce qui nous attend si nous sous-estimions la possibilité de sa victoire. Elle réside dans les résultats du 1er tour : 8 133 828 pour MLP (+454 000 sur le 1er tour de 2017), le plus grand nombre de voix depuis 2002. Avec Zemmour 2 485 226 et Dupont-Aignan 725 176, MLP devance Macron de 1 561 058 voix !
Dilemme à gauche
Vu l’évidence du danger à conjurer, du moins pour les progressistes et les républicains authentiques, une partie considère que s’abstenir ne suffit pas, aucun vote n’est pris en compte, il y a rejet des deux candidats sans modifier le rapport des forces exprimé au 1er tour.
Pour barrer la route à l’extrême-droite néo-fasciste, il n’y a qu’un bulletin, venu de la gauche et des abstentionnistes, qui peut éviter le pire, parce qu’il ajoutera des voix, non pas pour soutenir Macron et ses choix politiques de classe mais parce qu’on a fait le choix de ne pas rester neutres dans son geste citoyen en pareille circonstance.
De même que l’on ne prend pas tous les électeurs qui votent Le Pen pour des fascistes, il ne s’agit pas de tenir ceux qui s’abstiendront pour des irresponsables, tellement il leur est impossible de faire comme s’ils allaient aider Macron à rester au pouvoir. Comment ne pas les comprendre, ils n’ont pas à être jugés ? D’autant que Macron ne fait aucune concession à celles et ceux qui, sans lui signer un chèque en blanc, se sont engagés à barrer la route à Mme Le Pen. Jupiter a du mal à descendre de l’Olympe ! Et à revenir sur terre.
Seuls les votes de gauche (?) qui se porteraient sur le RN pour se débarrasser de Macron paraîtraient vraiment très contestables pour ne pas dire plus. Comment expliquer qu’après un vote pour la gauche radicale on puisse au second tour, voter pour l’accession de l’extrême-droite au pouvoir ? Je n’invente rien, ça existe, il y a même des sondages sur les reports de voix de droite et de gauche.
De toute manière le vote est secret. Il n’est pas interdit d’en parler librement et même de faire autrement que ce qu’on a laissé croire ? La sincérité en politique est à géométrie variable “les promesses n’engagent que ceux qui y croient” disait Pasqua le sourire en coin, qui n’était pas un plaisantin.
Ce n’est facile pour personne. Il a bien fallu que, pour en finir avec les nazis, la Résistance rassemble celles et ceux, de droite et de gauche, croyants et incroyants, pour libérer la France de l’occupant et des “collabos” d’extrême-droite qui les aidaient à purifier” la race aryenne”et à exterminer les “judéo-bolcheviks”, entre autre. De leur résistance il en est sorti un programme progressite très audacieux qui a fait de notre pays un modèle pendant 70 ans.
Voir resurgir le nationalisme identitaire, le racisme, la xénophobie, l’homophobie, les discriminations de toutes sortes annoncées, les groupes para-militaires boutant les migrants, les milices privées, les violences policières hors de tout contrôle public (elle a signé la loi sur la sécurité globale), les provocations, les postures, les impostures et les silences pour ne pas froisser et séduire l’électeur : que d’images et de séquences de vie militante se bousculent !
Me revient cette dernière phrase, célèbre, qui clôt la pièce de théâtre de Bertold Brecht “La résistible ascension d’Arturo Ui” écrite en 1941 : “Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde” ! Parabole sur la prise du pouvoir et la montée de la terreur nazie en Allemagne dans les années 1930.
Législatives : une majorité de gauche à l’ordre du jour
Les partis politiques traditionnels ont fait les frais, à la présidentielle, de la concentration des votes sur trois blocs : le bloc d’extrême-droite (Le Pen-Zemmour) 32,28%, celui, ultra-libéral, de Macron 27,85%, et celui de l’Union populaire-LFI de Mélenchon, 22% auxquels se rajoutent 10% total des 5 autres candidats de gauche et d’extrême-gauche. Une gauche en progression de 4,27% sur 2017.
Sans attendre le verdict du 24 avril, chaque état-major de la gauche s’est prononcé pour un pacte commun législatif sur le programme et sur l’idée de pouvoir obtenir un plus grand nombre de sièges pour chacune des composantes, voire une majorité à l’assemblée nationale ! (Vous trouverez en PJ 1,2,3 la résolution du Comité national du PCF, la lettre de LFI et la réponse du PCF)
Reste à entrer dans la concrétisation du texte d’engagements communs pour la législature et pour la répartition des sièges dans la foulée du résultat du second tour et d’une nouvelle séquence politique qui ouvre à une gauche sociale et écologiste pluraliste, espérons-le unie, une perspective sérieuse de conquête d’une majorité à l’assemblée ou, à tout le moins, de former un inter-groupe de poids à la hauteur de sa représention.
Construisons ensemble un avenir commun en affrontant les forces de l’argent.
René Fredon
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