S’il est une exploitation agricole pionnière et dynamique c’est bien “Les Olivades” à Ollioules, juste derrière Carrefour, première AMAP (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) créée en France par ses deux propriétaires, Denise et Daniel Vuillon .
Une AMAP c’est un partenariat entre un producteur de fruits et légumes, le plus souvent, et un groupe de consommateurs qui payent à l’avance leurs “paniers” et garantissent un revenu au cultivateur, tout en recevant des produits frais et de saison (bio ou pas) d’une quantité et d’une qualité également garanties.
Le producteur étant tenu -à organisation et savoir-faire égaux-pour l’essentiel par la superficie dont il dispose, qui détermine ses coûts de production et les limites du nombre de partenaires qu’il peut satisfaire. La pandémie a eu des répercussions mais grâce au lien social que crée une AMAP des adaptations ont pu en limiter les effets.
Depuis 20 ans que les AMAP existent en France, elles se sont multipliées partout ouvrant la voie à un circuit court, facteur de fraîcheur, de qualité, d’authenticité de la nourriture, contrairement au dogme du moindre prix qui se traduit par la sur-exploitation des petits et moyens producteurs par de puissants intermédiaires maîtres des prix et à la recherche de la plus forte marge tout en utilisant les transports routiers et intercontinentaux fortement polluants.
Conséquence : les exploitations agricoles ne cessent de disparaître faute de favoriser l’accès des jeunes pour prendre le relai bien que fort nombreux à vouloir se tourner vers l’agriculture, non pour faire fortune mais pour vivre décemment de leur travail d’élevage ou/et de production et de préservation de la nature. Ce qui ne peut que concourir à notre indépendance alimentaire.
Et ce qui fait de la reconquête de nos terres agricoles fertiles à la fois un enjeu central alimentaire, sanitaire, économique et écologique tout à fait en phase avec les enjeux d’aujourd’hui : la transition -loin d’être acquise- de nos modes de production et de vie qui dégradent notre planète et les rapports sociaux de domination, source d’inégalités entre les classes, les sexes, les origines, les cultures…
Revenons aux soucis plus terre à terre, c’est le cas de le dire, de la famille Vuillon qui en est à sa 8è génération sur cette propriété léguée à leurs ascendants. Une propriété en limite de Carrefour qui a connu quelques épisodes judiciaires. Et ça continue;
En ce moment, les soucis de ce couple d’agriculteurs, portent sur le projet de TPM de créer un pôle d’échange multimodal Ollioules-La Seyne sur le principe duquel Denise et Daniel Vuillon sont parfaitement d’accord (1)
Ils contestent le projet de route qui doit passer devant l’entrée des Olivades qui se situe en zone inondable “ce qui va artificialiser 6 ha qui jusque là absorbent l’eau, ce qui obligerait de réaliser un bassin de rétention de 18 000m3 d’un coût de 21 millions d’euros. Et il est question de boucher l’un des ruisseaux dans une zone de 250 ha récemment agricole qui a été largement bétonnisée ? “Tous nos drains ne peuvent plus éliminer les eaux souterraines en excès qui vont rester dans les terrains et les rendront moins cultivables.”
Ils ont réussi à stopper un premier “jet” de TPM, portant l’affaire devant le tribunal administratif en octobre 2020 qui leur donna raison. Le recours de TPM devant le Conseil d’Etat fut clairement rejeté. TPM a dû arrêter les travaux !
C’est l’ensemble du dossier qui doit être repensé en prenant en compte les propositions de M. et Mme Vuillon plus économiques, sans risques pour les terrains et sans empiéter sur leur propriété qui est en même temps leur outil de travail. Ils ont en tête d’y créer un centre de formation sur la manière de produire en AMAP ainsi que d’ouvrir une ferme-auberge avec chambres d’hôtes.
Coïncidence, le 17 janvier 22, les trois maires d’Ollioules, de La Seyne et de Six-Fours se sont rencontrés pour faire savoir qu’ils s’engageaient à défendre les terres agricoles, à ne plus bétonner ! Il serait temps en effet.
Y aurait-il des élections en vue par hasard ? Mais oui…bientôt des législatives dans cette circonscription perdue par le sortant, maire de Six-Fours au bénéfice de LREM.
Daniel Vuillon se souvient qu’à Ollioules la première expropriation d’une exploitation agricole remonte à 1988 sous la municipalité de droite d’Arnoux avec, parmi ses adjoints, Bénéventi, marchand de matériaux, aujourd’hui maire et Bernhard qui devait devenir maire de Sanary jusqu’à sa condamnation pour conflits d’intérêt.
“A cette époque, nous dit Daniel Vuillon, il y avait 140 exploitations agricoles…il doit en rester 5 aujourd’hui. Ollioules était la seule commune rurale de l’aire toulonnaise.”
Non seulement l’intention des trois maires en question éclate d’électoralisme et d’insincérité, ils ont passé leur temps à bétonner méthodiquement leurs communes respectives pour y attirer les catégories sociales moyennes et supérieures, tout en “oubliant” l’habitat social et en s’opposant frontalement à la loi SRU qui oblige les communes à construire 25% de logements sociaux sous peine de pénalités.
On en est loin, sauf à La Seyne, pour des raisons historiques sous les maires communistes issus de la Résistance. Les maires de droite y ont fait régresser le pourcentage. La sociologie des trois villes a beaucoup changé depuis la désindustrialisation du pays qui se poursuit et l’orientation tout tourisme de la droite dominatrice, devenue majoritaire dans le Var quand le pays basculait à gauche, mais pas pour longtemps…
Comme ATTAC, nous soutenons ces deux acteurs d’une agriculture paysanne moderne, parce que saine et fondée sur le partage. Parce que située en zone urbaine elle a aussi droit à l’existence pour développer ses projets et poursuivre son activité agricole selon un modèle qui fait école.
Il reste à TPM à modifier son projet en conséquence.
René Fredon
(1) https://ledebatteur.fr/2021/02/24/rencontre-avec-daniel-vuillon/
Denise Vuillon est l’autrice d’un livre “Histoire de la première AMAP” aux éditions L’Harmattan