Samedi 17 décembre, au matin, nous avions rendez-vous avec deux associations environnementales, l’Atelier Bleu de la CPIE Côte Provençale (Association de défense de l’environnement), Forêt Modèle de Provence ainsi que le président de la Coopérative Provence Forêt, Philippe Bregliano, pour découvrir la forêt de La Ciotat.
Nous étions une belle équipe d’une vingtaine de personnes ravies pour ce bon bol d’air instructif !
Après avoir longé l’autoroute et quitté les dernières habitations, nous voici arrêtés devant un chêne liège prêts pour l’observation.
Arrivent les explications de Nicolas Plazanet, chargé de Mission de FMP :
– Le liège mâle est le liège originel, c’est le premier liège. On attend les 25 ans de l’arbre et on va lever le liège au tiers de l’arbre. La première levée se nomme un démasclage (premier écorçage). Après la levée se développe un liège dit de reproduction, un liège femelle de meilleure qualité, très lisse qui peut être utilisé pour la fabrication des bouchons.
Lorsqu’on lève le tiers de l’arbre, il faut faire attention à ne pas abîmer la couche subéro-phellodermique qui est rouge car c’est la mère et c’est à partir de là que va se régénérer le liège (c’est une entrée pour les maladies si la levée est mal effectuée).
Lorsque le liège n’est pas levé, puisqu’on le lève tous les dix ans, il devient du liège femelle surépais et du coup sa qualité se déprécie.
Philippe Brégliano, président de la Coopérative Provence Forêt :
– Il y a des levées sauvages car il existe un marché concernant les plats à coquillages, les couasses. En plus cet arbre est en bord du chemin. Les irrégularités de son écorce sont un signe.
NP :
– Au niveau sanitaire, il souffre de deux prédateurs : d’une part le bombyx disparate, insecte défoliateur originaire d’Asie. Il grignote les feuilles. Ici, sur cet arbre, il n’y a pas de souci même si on remarque un déficit foliaire assez net. Après il y a aussi le platypus, une larve qui fait des trous dans le liège.
Le liège protège l’arbre du feu. L’arbre a une capacité de régénérescence post-incendie incroyable. Le liège extérieur brûle faisant office d’écran pour le bois à l’intérieur. Il est aussi intéressant au niveau captation carbone et pour retenir le sol après le feu.
L’économie du liège a débuté à l’époque romaine. D’ailleurs dans les fouilles archéologiques de 1985 de l’ancien port de Toulon, à la place duquel a été construit le centre commercial Mayol ( donc il était plus reculé que le port actuel), le sous-bassement du port avait été conçu avec du bois de chêne liège déjà démasclé.
Le centre archéologique du Var a attesté l’ utilisation du liège mais pas pour le bouchon puisqu’à cette époque là on bouchait avec la cire d’abeilles. Le liège était utilisé pour les semelles des chaussures. Cette utilisation va être assez courante pendant tout le Moyen Age jusqu’au début du XIX e siècle, puis commence l’aventure de la bouchonnerie notamment dans le Var, dans les Bouches du Rhône et le port de Marseille a été très utilisé pour les exportations. Cette économie va avoir deux capitales dans notre département, Collobrières et la Garde Freinet. Elle va faire travailler 2 500 personnes en emploi direct, 10 000 tonnes de liège seront levées par an et 150 entreprises seront implantées. Maintenant il ne reste plus qu’une entreprise. En comptant les associations engagées on arrive à 5 salariés et on ne lève plus que 150 tonnes de liège par an. Il faut noter la concurrence espagnole et portugaise. Pourtant au-delà du bouchon on peut utiliser ce bois pour l’isolation avec tous les déchets et les rebus. Le pari de l’isolation est opportun.
Une randonneuse :
– Au niveau du sol, faut-il un sol particulier ?
NP :
– Le chêne liège exige un sol acide, du coup il est très bien sur le schiste et ne supporte pas le calcaire. Ici le calcaire n’est pas actif donc il peut s’adapter. *
PB :
– Au début du XIX e toute l’énergie venait du bois. Il n’y avait pas de pétrole. Ils étaient dans la même situation que nous actuellement avec les énergies fossiles. Un ingénieur forestier au XVIII e siècle a écrit qu’on ne peut pas exploiter plus de bois que la forêt ne peut en produire. C’était le début du concept de l’exploitation durable. Sur les murs de l’école de Nancy est inscrit « Imiter la nature, hâter son œuvre ». On ne coupe pas tout, il faut garder les semenciers. Les coûts d’exploitation sont supérieurs au bois c’est pourquoi la structure d’une coopérative pour faire du service public au service des propriétaires est adéquate.
Le pin D’Alep a un grand pouvoir de régénération. Ici on voit qu’il est très serré. Il faudrait éclaircir au fur et à mesure. Sur 4 ans on a eu 3 sécheresses : l’ensemble du peuplement du pin d’Alep se retrouve à 40 % de dépérissement.
Intervenant de l’Atelier Bleu :
– Pour nous un arbre est un sujet et avec notre vision humaine on pense qu’un arbre est un génome, or une branche est aussi un génome, puis une autre branche est un autre génome. Un arbre c’est des milliers de génomes.
Homo sapiens a 3 millions d’années, les habitants de la Méditerranée 10 000 ans quand ils ont commencé à exploiter le sol au sens noble, l’arbre lui a 250 millions d’années (premiers fossiles de plantes à fleurs). Donc son patrimoine génétique est énorme. Du coup laisser des graines pousser c’est capitaliser cette capacité génétique. Il faut le faire de manière durable.
L’association Francis Hallé milite pour une forêt primaire. On va délimiter une zone dans laquelle on ne fait rien, on laisse faire. La dernière forêt primaire en Europe est en Pologne.
On peut aussi réaliser une enclave dans laquelle on va sélectionner les arbres à couper que l’on va gérer de manière durable et enfin une zone où on va planter. Il faut se garder d’avoir une vision unique.
Nous arrivons dans une zone qui a brûlé il y a une dizaine d’années. On voit la différence. En observant le paysage on comprend ce qui se passe après.
NP :
– Nous sommes une des régions les plus forestières de France 1, 6 million d’hectares de forêt en croissance de 6 % par an et la gestion forestière correspond à 60 % de ces 6 %. Notre forêt est récente par son essence pionnière le pin d’Alep qui va se réinstaller rapidement après l’incendie. Ses cônes ont besoin du feu pour s’ouvrir.
Les incendies ces 25 dernières années ont concerné100 000 hectares mais au Portugal cela concerne 100 000 hectares chaque année à cause de la monoculture des eucalyptus (pour la pâte à papier).
Le principal danger après un feu c’est l’érosion lorsqu’il y a de fortes pentes et la forêt ne peut se réinstaller.
Le pistachier lentisque grâce à sa racine très profonde se régénère déjà avant la première pluie.
L’arbousier est intéressant lui aussi car sa racine va chercher l’eau jusqu’à 10 m et elle est pivotante. Souvent la souche est beaucoup plus grosse que l’arbre lui-même et donc il a une grande capacité de régénération comme ici la bruyère que l’on voit.
95 % des feux ne dépassent pas un hectare grâce à la surveillance. La réaction rapide permet la lutte efficace.
Avant il y avait la ville, autour l’exploitation puis la forêt qui était aussi exploitée donc avec moins de biomasse.
Au XIII e siècle existait déjà une indemnité pour le défrichement. Il y avait déjà des coupes rases.
Concernant la cause des incendies la plupart c’est sans faire exprès, 41 % sont des actes malveillants, 95 % sont d’origine humaine et 5 % concernent la foudre.
La randonnée continue chez le dernier tailleur de pierre de La Ciotat pour une visite de son exploitation et de ses réalisations en pierre de La Ciotat dont certaines montrent d’étonnants fossiles.
*Christian Bercovici, géologue, Conseiller Municipal de la minorité à Ollioules : “Le chêne liège aime effectivement les sols siliceux (acides). A la Ciotat les sols siliceux sont présents sous la forme de grès quarteux. Il n’y a pas de schiste, ici, contrairement aux massifs de Sicié, du Pradet ou des Maures. Donc une végétation de type “maquis” s’y est développée.”
Claudie Zunino Cartereau, conseillère municipale de la minorité à Ollioules