Forêt Modèle de France, la valorisation de l’arbousier dans nos massifs forestiers (3)

Conférence de Nicolas Plazanet lors de la journée du patrimoine de Pays à la mairie du Beausset, le samedi 26 juin 2021 (suite).

L’arbousier a l’avantage d’être très présent sur nos massifs forestiers, notamment dans le massif des Maures où il est le compagnon fidèle du chêne liège. Il est un peu moins présent sur la Sainte Baume. Sur le massif du Garlaban on en replante. Cette espèce est adaptée à nos climats. Elle permet de maintenir une population de pollinisateurs puisque la floraison est tardive et les apiculteurs s’en servent souvent pour nourrir leurs abeilles lorsque les fleurs se font plus rares. Les fleurs apparaissent en même temps que les fruits arrivent à maturité, de novembre à janvier. Le fruit met un an pour arriver à maturité. Généralement cet arbre a besoin d’une terre acide, d’un terrain un peu siliceux mais il peut s’adapter en terrain calcaire. Il est très difficile de replanter un arbousier. Depuis trois ans nous travaillons sur l’arbousier et nous allons continuer avec le Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume.

Au départ l’association a créé une bière à l’arbouse et on a démarché les brasseries pour essayer ce produit. Personne n’a voulu faire un essai, prendre de risque. Si on fait un business plan sur l’arbousier, qu’on évalue l’état de la concurrence et l’état de la demande : il n’y a ni concurrence, ni demande. Ce n’est pas pour autant que c’est inintéressant à faire. On a voulu démontrer que ça pouvait l’être. On a développé deux bières. Il a fallu produire une quinzaine de tests. On a tout essayé : l’ajout du fruit brut, la transformation du fruit sans ajout de sucre. On a finalement dégagé un chiffre d’affaire d’un peu plus de 20 000 euros sur notre année phare test. Deux brasseries sont intéressées pour reprendre le flambeau. On ne peut pas aller plus loin que les étapes tests car l’association n’a pas vocation à commercialiser un produit. On est là juste pour ouvrir la voie. Ce projet de bière va donc continuer l’année prochaine avec le soutien de la région, du département mais aussi du fond épicurien qui regroupe plusieurs mécènes. Ils choisissent un projet par an à soutenir et ils nous ont soutenu sur trois ans (si vous avez des projets avec un aspect culinaire et que vous avez besoin de soutien, ils peuvent aider pour une somme de 5 000 euros). Il ne faut pas hésiter à se rapprocher de ce fond.

Nous avons pu constituer un réseau de courageux pour travailler sur l’arbouse afin de mettre en place une démarche de valorisation. Un ancien directeur d’un laboratoire pharmaceutique nous a aidés sur les deux premières années à penser une préparation sans sucre avec la gestion des petits grains. On a un réseau local constitué du directeur de laboratoire pharmaceutique, du groupe Olivier Baussan (l’Occitane de Provence), de deux brasseurs. Nous disposons d’une dizaine de transformateurs. Tout cela localement.

L’arbousier est très intéressant. L’écorce servait au tannage comme le pistachier lentisque. Avec les fleurs on fait le miel d’arbouse qui est amère. A peu près tout peut être utilisé avec cet arbuste qui n’est pas du tout valorisé dans notre région. On valorise juste un peu le fruit. Le bois aussi est assez intéressant. Il est de couleur un peu rouge, très beau. Mais quand il pousse il a tendance à vriller et quand on le coupe le bois se fend très facilement. Il faut donc un protocole après la découpe pour le maintenir droit. Ce protocole c’est Charles Dutel, spécialiste du bois à Besse-sur-Issole qui l’a produit.

Il y a différents enjeux. Au niveau économique, c’est une filière qui compte beaucoup. En corse, l’entreprise Antona commercialise une gelée d’arbouses. Au Portugal, il y a des coopératives productrices. L’arbouse se vend très cher même non transformée. Elle peut se vendre jusqu’à 30 euros le kg. Ils en font beaucoup d’eau de vie, du miel. Le Liban a aussi toute une filière sur l’arbousier et sa préservation est devenue un enjeu là-bas. Le miel d’arbousier vaut jusqu’à 35 euros le kg. Il est très utilisé par les grands cuisiniers. Le sirop d’arbouse est aussi délicieux.

Le fruit met un an pour arriver à maturité. Cela peut être un frein au niveau économique puisqu’en un an il peut se passer divers phénomènes comme une grosse sécheresse ou un gel. Certaines années les arbousiers portent peu de fruits. C’est compensé par le peuplement important de cet arbuste. Notre idée est de poser des filets oléicoles qui permettraient de protéger la fleur. Il y a moins de risque de la faire tomber qu’en cueillant le fruit. L’arbouse tombe très facilement quand elle est mûre. Notamment avec le mistral. Le fait de nettoyer autour de l’arbre pour placer le filet répondrait à la problématique de l’incendie. L’arbousier est un arbre pyrophile qui ne brule pas facilement et ne conduit pas l’incendie comme c’est le cas de l’eucalyptus ou du mimosa (au Portugal, on essaie de l’éradiquer suite aux incendies. Au Lavandou, dans les sous-bois subéricoles, le mimosa prend toute la place et la biodiversité disparaît alors que l’aire subéricole est connue pour avoir une centaine d’espèces et de fleurs autour. Avant le gel limitait l’expansion du mimosa mais les hivers étant de plus en plus doux, il s’étend). L’arbousier peut accompagner une démarche de protection contre l’incendie comme le pistachier lentisque. Ils se régénèrent très facilement après un incendie. Cela permet de lutter contre l’érosion des sols et permet à la forêt de se régénérer même avant les premières pluies. L’arbousier est considéré comme adapté au changement climatique.Il a toujours été mal considéré dans notre région. On le coupait systématiquement lors des débroussaillages alors que du point de vue écosystémique faune/flore/incendie il n’a que des avantages.

Sur le calendrier du projet avec le Parc Naturel Régional, c’est vingt-quatre molécules, beaucoup de tests produits et on va travailler avec toutes les composantes de l’arbousier: la racine, le bois, le feuillage, le fruit, l’écorce. Il y aura des essais économiques dans notre région avec beaucoup de partenaires, le groupe Olivier Baussan de l’Occitane, deux brasseries, l’Institut de Chimie Nice Active (il a commencé à étudier le feuillage, les fruits et l’écorce avec différents tests concernant l’utilisation en cosmétologie : pouvoir antioxydant, anti-inflammatoire, cutané, anti-pollution, anti-âge).

Il y a un effort collectif pour proposer beaucoup de tests produits. Il y aura aussi une glace à l’arbouse, un biscuit, une étude sylvicole de l’arbousier sur son entretien qui sera assurée par une association de gestion forestière inspirée d’un modèle portugais.

Dans un premier temps on analyse des constituants et leurs qualités ( Institut de Chimie Nice Active) puis viendra la démarche Recherche & Développement qui coûte 26 000 euros et qui seront cofinancés par Forêt Modèle de France.

On s’appuiera sur une forte identité territoriale et une sélection des entreprises locales intéressées par ces projets. Nous assurerons la communication avec les médias locaux afin d’intégrer l’identité visuelle du Parc Naturel Régional.

Nos massifs ont un potentiel très important. Autrefois ils étaient très utilisés. L’association veut lancer des projets à taille humaine qui soient bons pour nos massifs.

2 réflexions sur « Forêt Modèle de France, la valorisation de l’arbousier dans nos massifs forestiers (3) »

  1. Merci Dujardin pour ces informations. J’espère une réponse de la part de Forêt Modèle de Provence afin d’enrichir le débat concernant l’arbousier.

  2. L’arbousier est une espèce végétale du maquis c’est-à-dire de sols siliceux.
    En fait, il semble plus calcifuge que silicicole car on le trouve aussi sur les sols d’altération des dolomies ou des grès, comme en certains endroits du Gros Cerveau, du Faron (dolomies) ou du mont Caumes, Cimaï, montée du Camps (grès siliceux).
    A priori une tentative de plantation sur sol calcaire -hors dolomie- me semble vouée à l’échec à moyen terme ( à confirmer).

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